Harcèlement moral au travail : comment Madame B a obtenu justice après un licenciement abusif

Avocate en droit du travail à Nancy, je partage ici le récit complet d’un dossier en harcèlement moral au travail, un combat judiciaire de 7 ans.

Madame B, c’est mon premier dossier en harcèlement moral au travail et l’un de mes tous premiers dossiers tout court en tant qu’avocate en droit du travail.

Vous vous demandez comment la justice traite le harcèlement moral au travail ?

À la fin de cet article, vous pourrez consulter une décision de justice anonymisée, issue du dossier raconté ici.

Un document utile pour mieux comprendre vos droits et les étapes d’une procédure en cas de harcèlement moral.

Vous trouverez également en fin d’article un questionnaire interactif pour :

  • savoir si vous êtes en situation de harcèlement moral

  • vous donner des solutions concrètes pour y mettre fin

Quand elle pousse la porte de mon cabinet, Madame B est à bout. Epuisée moralement, elle ne sait pas du tout quoi faire. Elle pleure beaucoup et ne comprend pas ce qui lui arrive : c’est souvent le cas des salariées qui subissent un harcèlement moral au travail.

Une carrière exemplaire brisée par un management toxique

Pour bien comprendre son histoire, il faut remonter à 1983 quand elle commence à travailler dans cette entreprise familiale. Oui oui, vous avez bien lu. Au début de sa carrière, tout se passe très bien. Le président de l’entreprise est bienveillant. Son travail est apprécié : sa carrière comme son salaire évoluent.

Puis le président passe la main à son fils. Tout se passe toujours bien. Mais à l’arrivée d’un nouveau supérieur hiérarchique, Madame B constate que ses conditions de travail sont modifiées et qu’elle a une charge de travail plus importante que ses collègues.

Son supérieur hiérarchique prend très mal le fait qu’elle puisse émettre des observations sur la répartition du travail qu’il a mis en place. Au détour d’une conversation avec le président de l’entreprise, elle s’exprime sur ce qui ne va pas.

Nous sommes alors en 2012 et le président trouve une solution au problème soulevé.

Puis en 2016, le président passe lui aussi la main à son fils qui s’entend très bien avec le supérieur hiérarchique de Madame B.

Et c’est là que rien ne va plus. Parce que son supérieur ne lui pardonnera jamais cette intervention du président en sa faveur.

Victime de harcèlement moral au travail : la descente aux enfers

L’état d’esprit familial et d’apaisement qui avait régné avec les deux précédents présidents a disparu.

C’est ainsi que s’enchaînent :

·       des reproches injustifiés

·       des entretiens surprises où elle ne peut pas se défendre

·       des courriers avec des accusations graves

Son entourage s’inquiète et tout cela la pousse à consulter une avocate en droit du travail : moi.

Quand je vois Madame B en rdv, je prends le temps de l’écouter. J’insiste pour qu’elle aille voir son médecin traitant, qu’elle puisse être arrêtée et ainsi protégée de ce milieu professionnel devenu néfaste.

Elle est réticente à s’arrêter mais elle finit par comprendre et accepter que c’est indispensable pour préserver sa santé.

Ensuite, je l’aide et l’oriente vers des professionnels de santé : médecin du travail, centre médical spécialisé dans la souffrance au travail et psychologue formée à la question du harcèlement moral.

Le médecin du travail l’adressera ensuite à la psychologue du travail.

L’ensemble de ces médecins ont conclu qu’il était indispensable qu’elle ne retourne plus dans cette entreprise et c’est dans ces conditions qu’elle a été déclarée inapte à son poste.

Licenciement pour faute grave abusif : début d’une procédure aux prud’hommes

Normalement, son employeur aurait dû la licencier pour inaptitude sans possibilité de reclassement.

Mais souhaitant lui faire un dernier pied de nez à Madame B, son employeur a cru malin de la licencier pour inaptitude ET pour faute grave.

Quel intérêt, me direz-vous ?

Eh bien en ajoutant une faute grave, il n’avait pas à lui payer son indemnité de licenciement qui s’élevait tout de même à près de 36 000 €.

Prud'hommes, appels et Cour de Cassation : 7 ans de procédure

C’est donc ainsi qu’a commencé la procédure judiciaire qui durera sept ans.

J’ai saisi le conseil de prud'hommes en urgence pour obtenir le paiement de l’indemnité de licenciement.

Le conseil de prud'hommes a refusé et nous a débouté.

Qu’à cela ne tienne, Madame B a fait appel de la décision.

Après un débat animé devant la Cour d'Appel, nous avons obtenu gain de cause. La Cour d'Appel a suivi mon argumentation constatant que Madame B avait en fait été licenciée pour avoir dénoncé le harcèlement moral qu’elle subissait.

Pour information, vous avez le droit de dénoncer un harcèlement moral et votre employeur ne peut prendre aucune mesure pour vous sanctionner de l’avoir fait. S’il le faisait, sa décision serait annulée, comme ce fut le cas dans le dossier de Madame B.

Son employeur a  donc été condamné à lui payer son indemnité de licenciement en plus de remboursement de ses frais d’avocate.

Vous l’aurez compris, nous étions face à un employeur de mauvaise foi et qui a donc décidé de contester devant la Cour de Cassation, à perte, puisque cette dernière a rejeté ses demandes.

La poursuite de la bataille judiciaire pour obtenir une réparation totale à Madame B

Nous sommes donc arrivées à la deuxième phase devant le conseil de prud'hommes en position de force puisque dans la procédure d’urgence, la Cour d'Appel puis la Cour de Cassation nous a donné raison.

J’ai donc obtenu une excellente décision devant le conseil de prud'hommes qui a retenu que Madame B avait subi un harcèlement moral et que son licenciement était nul parce qu’il visait à la sanctionner d’avoir dénoncé le harcèlement moral qu’elle subissait.

Vous vous en doutez, la société a contesté cette décision devant la Cour d'Appel.

La Cour d'Appel a confirmé la décision du conseil de prud'hommes et les indemnisations accordées.

Néanmoins et à regret, elle est revenue sur le harcèlement moral en considérant pour sa part qu’il n’y avait pas eu harcèlement notamment en raison des témoignages à charge des collègues de Madame B contre elle. L’indemnisation du harcèlement moral à hauteur de 10 000 euros accordés par le conseil de prud'hommes a donc aussi été supprimée.

Nous pensions alors que le dossier était terminé mais je pense que vous le devinez, de nouveau, l’employeur a contesté et nous sommes donc retournées devant la Cour de Cassation.

Là encore, sans aucun succès car la Cour de Cassation a rejeté ses demandes.

Au bout du chemin : un licenciement abusif annulé et une juste indemnisation pour Madame B

Ce dossier s’est donc définitivement terminé en mars 2025.

Je suis fière de Madame B, du courage et de l’énergie dont elle a fait preuve pour persévérer à faire valoir ses droits.

Je suis également fière qu’elle m’ait choisie comme avocate pour la défendre malgré l’avis contraire de son mari qui m’estimait trop jeune.

Elle a néanmoins eu confiance en moi suite à notre premier rdv et un bon feeling. Et c’est finalement ce qui compte quand on choisit une avocate.

Madame B aura finalement obtenu le paiement des sommes suivantes :

  • 35 585,80 € à titre d’indemnité légale de licenciement

  • 6 577,32 € pour l’indemnité compensatrice de préavis (deux mois de salaire bruts)

  • 657,73 € de congés payés relatifs à l’indemnité compensatrice de préavis

  • 5 000 € de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation par son employeur

  • 115 000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul

  • Soit une indemnisation brute de 162 820,85 €

Elle a en plus obtenu pour chaque procédure le remboursement de ses frais d’avocate, ce qui est toujours sympa quand on fait face à un employeur qui refuse d’accepter d’avoir tort 😉

J’ai appelé, non sans émotion, pour la dernière fois Madame B pour lui annoncer que le dossier était définitivement terminé.

Au cours de cet appel, elle se réjouit d’avoir écouté sa « petite » avocate parce qu’aujourd’hui, elle a pu et su aller de l’avant et profite paisiblement de son jardin en attendant sa retraite l’année prochaine.

Et vous, êtes-vous en situation de harcèlement moral au travail ?

Vous avez des doutes, vous ne savez pas si ce que vous vivez entre réellement dans le cadre du harcèlement moral au travail?

Le cabinet RENDELI AVOCATES vous aide à y voir plus clair.

Répondez à notre questionnaire interactif : en quelques minutes vous saurez si votre situation correspond à du harcèlement moral.

À la fin du questionnaire, vous pourrez :

  • recevoir gratuitement notre guide pratique pour connaître vos droits,

  • découvrir des solutions concrètes en cas de harcèlement moral au travail

  • ou prendre rendez-vous avec le cabinet.

C’est simple, confidentiel et cela peut être un premier pas important.

Vous n’avez qu’à cliquer sur la vidéo ci-dessous pour démarrer.

📄 Télécharger la décision de justice anonymisée

Et comme promis, vous pouvez télécharger la décision de justice rendue par la Cour d’appel dans ce dossier de harcèlement moral au travail, avec les arguments retenus par les juges. Elle est naturellement anonymisée pour respecter la confidentialité et l’identité de madame B.